« Il y avait tellement de gens à mon enterrement que j’ai décidé de ne pas m’y rendre. » Patrick Devedjian
Je regardais la scène depuis un coin reculé, invisible à tous ces visages affligés. Des bouquets de fleurs encombraient le cercueil, symbole d’un amour qu’on avait omis de me montrer de mon vivant. L’assemblée était si nombreuse que je me demandais où se cachaient toutes ces personnes pendant mes jours d’errance et de solitude. Des discours poignants, des larmes sincères, des regrets tardifs… et moi, spectateur impuissant de cette mise en scène.
On me décrivait comme une personne aimante, généreuse, toujours prête à aider les autres. Mais pourquoi fallait-il attendre ce jour pour énumérer mes vertus ? Pourquoi fallait-il que la mort impose sa lourde présence pour que les mots trouvent enfin leur chemin vers les lèvres ? J’ai souri tristement en entendant ces hommages. Trop tard, pensais-je, bien trop tard.
Je m’attardais sur quelques visages familiers, ceux qui me rendaient visite une fois l’an, qui se souvenaient de mon existence lors des fêtes de fin d’année ou des anniversaires. Leur chagrin semblait sincère, mais un murmure intérieur me disait qu’ils pleuraient davantage leur propre culpabilité que ma disparition. Combien de fois avais-je espéré un coup de fil, une simple conversation ? Combien de nuits avais-je passé seul, dans l’attente d’un signe de leur part ?
À mesure que les minutes passaient, je sentais un poids se dissiper, comme si le pardon trouvait sa place. Ils étaient venus, après tout, et c’était déjà un début. Peut-être que dans cette foule se cachait une promesse, celle de ne plus attendre l’inévitable pour aimer, celle de prendre soin des vivants avant qu’il ne soit trop tard. Oui, peut-être qu’à travers cette absence si présente, il y aurait un changement.
En silence, je me suis éloigné, laissant derrière moi les échos de ce jour d’adieu. Je n’avais plus besoin d’être là. Je m’en allais, le cœur léger, avec l’espoir qu’ils comprendraient un jour la véritable essence de ce qu’ils étaient venus honorer : la vie, et non la mort.
Junior DEGUENON
Comments (2)
Ghislain KPOTANsays:
septembre 23, 2024 at 12:25 pmCher frère, tu viens de toucher l’un des maux dont souffre les êtres humains sur terre.
Il paraît être une coutume établie dont il faut obliger les uns et les autres à y renoncer, pour ainsi dire, sitôt que ses fers sont brisés, il tombe épars et n’existe plus.
Célébrons-nous vivants.
JUNIOR DEGUENONsays:
novembre 5, 2024 at 4:47 pmJustement. Et vous avez bien décrit celà. Célébrons-nous vivants.