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Junior DEGUENONJunior DEGUENON JURISTE | CONSULTANT | AUTEUR

ROMPRE OU NE PAS ROMPRE les fiançailles : ce qu’impose le législateur béninois.

Les fiançailles, bien que perçues comme une simple promesse de mariage, sont des pratiques profondément ancrées dans la culture béninoise. La présentation mutuelle des familles, qui fait partie intégrante de cette tradition, revêt une grande importance sociale. Cependant, avec la modernisation du droit béninois, la loi n°2021-13 du 20 décembre 2021, modifiant le code des personnes et de la famille, a apporté des précisions quant aux fiançailles et à leurs conséquences, notamment en matière de rupture.


Les articles 113 à 119 de cette loi encadrent les fiançailles et la connaissance mutuelle des familles, en posant des règles sur la promesse de mariage, la rupture abusive, les dommages et intérêts, ainsi que les conditions légales pour s’engager.

Cette notion des fiançailles ne peut être appréhendée pleinement sans un retour à son étymologie.

Le terme fiançailles trouve son origine dans le latin médiéval fidare, qui signifie « se confier » ou « faire confiance« . Ce mot est également lié au terme fides, signifiant « foi » ou « fidélité« .

À travers cette étymologie, on perçoit que les fiançailles incarnent une promesse basée sur la confiance mutuelle entre deux individus, en vue de s’unir par les liens du mariage. Cette relation de confiance dépasse la simple intimité des fiancés pour engager leurs familles respectives dans un projet commun. Traditionnellement, cet engagement pré-marital est souvent célébré lors de cérémonies coutumières marquant l’union des deux familles.

Dans la société béninoise, les fiançailles sont ainsi un acte solennel qui ne lie pas seulement deux personnes mais leurs familles, avec des attentes morales et sociales spécifiques. Ce caractère sacré des fiançailles est renforcé par des rituels, des cadeaux échangés et parfois des engagements financiers, montrant l’importance de l’honneur familial dans cette institution.

Toutefois, bien que les fiançailles posent des bases en vue du mariage, la loi souligne qu’elles ne créent pas d’obligation juridique formelle de contracter le mariage. L’absence d’un cadre juridique précis dans la coutume a souvent conduit à des conflits lors de ruptures inattendues. Aujourd’hui, le législateur a formalisé ces engagements pour offrir une meilleure protection aux parties, tout en garantissant la liberté de rompre cet engagement.


Les principales questions soulevées par ces articles concernent la nature des fiançailles et les critères permettant de qualifier une rupture d’abusive. Il s’agit de comprendre si une simple promesse de mariage peut générer des obligations légales, et dans quelles conditions une rupture des fiançailles peut être considérée comme abusive, entraînant des réparations financières.


Pour donc répondre, nous examinerons ces articles successivement en deux parties : une première (I) relativement à l’encadrement juridique des fiançailles et de la connaissance mutuelle des familles d’une part et une seconde (II) relativement à la rupture abusive des fiançailles : analyse des critères et des conséquences

I/ L’encadrement juridique des fiançailles et de la connaissance mutuelle des familles

Il sied d’aborder cette première partie en examinant en un premier point la promesse de mariage et la connaissance mutuelle des familles (A) et en un second point les conditions légales pour les fiançailles et la preuve de la connaissance mutuelle des familles (B).

A. La promesse de mariage et la connaissance mutuelle des familles

L’article 113 de la loi n°2021-13 consacre la connaissance mutuelle des familles comme une promesse de mariage, sans pour autant imposer cette étape comme une condition préalable obligatoire au mariage (article 114). Ce cadre légal répond à un double objectif : d’une part, reconnaître l’importance des traditions familiales dans le processus de mariage et, d’autre part, préserver la liberté individuelle des fiancés.

Cependant, l’article 114 précise que la connaissance mutuelle des familles ou les fiançailles ne contraignent pas les parties à se marier. En d’autres termes, ces engagements n’ont pas un caractère obligatoire, contrairement à ce que pourrait laisser penser une interprétation coutumière. Cette distinction est importante, car elle clarifie que la promesse de mariage, bien qu’elle engage les parties moralement, ne crée pas une obligation légale stricte. La loi vise ainsi à éviter les mariages forcés tout en respectant les pratiques sociales.

B. Les conditions légales pour les fiançailles et la preuve de la connaissance mutuelle des familles

L’article 116 exige que les fiançailles soient conformes aux conditions du mariage, notamment en matière de majorité et de capacité juridique. Cela signifie que seuls les individus ayant l’âge légal de se marier (18 ans selon l’article 123) peuvent se fiancer. Cette disposition évite l’engagement de personnes mineures ou vulnérables dans des fiançailles qui pourraient aboutir à des mariages forcés.

Pour établir la preuve des fiançailles ou de la connaissance mutuelle des familles, l’article 117 exige la présence de témoins lors de ces cérémonies. En cas de litige, les témoignages de ceux qui ont assisté à la cérémonie sont essentiels pour prouver l’existence des fiançailles. Ce mécanisme de preuve est conforme aux principes généraux du droit civil, où la preuve testimoniale est un mode reconnu pour établir des faits non documentés par des actes écrits .

L’importance accordée à cette formalisation juridique reflète la volonté du législateur de protéger les parties en cas de contestation ultérieure. Cela permet notamment de prévenir les ruptures sans fondement en assurant une traçabilité de l’engagement pris.

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II/ La rupture abusive des fiançailles : analyse des critères et des conséquences

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Il sied d’aborder cette seconde partie de notre réflexion en examinant successivement en un premier point la rupture abusive (A) et en un second point les conséquences de la rupture abusives (B)

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A. La rupture abusive :

L’article 118 énonce que chaque fiancé peut rompre unilatéralement les fiançailles, mais précise que cette rupture ne doit pas être abusive. Une rupture est qualifiée d’abusive lorsqu’elle intervient de manière déloyale, sans raison valable ou dans des conditions humiliantes pour l’autre partie. En d’autres termes, la rupture doit être justifiée par un motif légitime et raisonnable.

Un exemple concret de rupture abusive serait le cas où un fiancé met fin aux fiançailles après avoir laissé l’autre engager des dépenses importantes pour les préparatifs du mariage, sans raison valable. De même, une rupture annoncée de manière publique et humiliante, ou encore la rupture en raison d’une pression extérieure (comme une influence familiale tardive), pourrait être jugée abusive.

Un autre exemple pourrait concerner la situation où l’un des fiancés rompt brutalement les fiançailles après avoir profité matériellement ou socialement de cet engagement, notamment en acceptant des cadeaux coûteux ou des avantages divers . Dans de tels cas, la partie lésée pourrait exiger une compensation pour le préjudice subi, aussi bien matériel que moral.

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B. Les conséquences juridiques de la rupture abusive

L’article 118 prévoit la possibilité d’allouer des dommages-intérêts à la partie lésée en cas de rupture abusive. La demande de réparation peut être justifiée par plusieurs types de préjudices. En premier lieu, le préjudice matériel, notamment les dépenses engagées pour la cérémonie des fiançailles, les cadeaux échangés, ou encore les préparatifs du mariage. Ensuite, le préjudice moral, qui découle de l’humiliation ou du choc émotionnel causé par une rupture brusque ou injustifiée.

Cependant, il est intéressant de noter que, selon l’article 118, les dépenses liées à la connaissance mutuelle des familles ne peuvent faire l’objet de remboursement ou d’indemnisation. Cette règle vise à distinguer les obligations morales des obligations légales. Le législateur cherche ainsi à protéger les familles contre des litiges interminables concernant des compensations financières, tout en encourageant les individus à assumer la responsabilité de leurs engagements .

D’un point de vue critique, cette disposition peut être perçue comme insuffisante pour les familles qui, selon certaines coutumes, attendent une réparation matérielle en cas de rupture. Par exemple, dans certaines régions du Bénin, la rupture des fiançailles peut être vécue comme une atteinte à l’honneur familial, et des compensations sont souvent exigées pour réparer ce tort.

Préface de Madame Innocentia APOVO MONTEIRO : Commissaire Divisionnaire de Police, Directrice de la Coopération et de l’Entraide Judiciaire, Ancienne Directrice de l’Office Central de Protection des Mineurs, Ancienne Cheffe Bureau Central National INTERPOL BENIN

Il est vrai in fine que la loi n°2021-13 apporte des avancées notables en matière d’encadrement des fiançailles au Bénin, en offrant un cadre juridique clair pour la promesse de mariage et en définissant les conditions de rupture des fiançailles. Si elle modernise cette pratique traditionnelle en protégeant les droits des individus, elle soulève néanmoins des questions sur l’alignement avec les coutumes locales, notamment en matière de réparation en cas de rupture. L’avenir législatif devra sans doute approfondir cette conciliation entre tradition et modernité pour mieux prendre en compte les spécificités culturelles tout en garantissant la protection des parties .

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